Pourquoi utiliser un appareil photo noir et blanc en 2021 ?

Il y a quelques temps, un de mes client m’a fait une demande particulière. En effet, il a acquis un fond impressionnant de coupures de journaux qu’il souhaite numériser. J’ai donc eu pour mission de rechercher quel serait le meilleur appareil…

Pourquoi utiliser un appareil photo noir et blanc en 2021 ?

Il y a quelques temps, un de mes client m’a fait une demande particulière. En effet, il a acquis un fond impressionnant de coupures de journaux qu’il souhaite numériser. J’ai donc eu pour mission de rechercher quel serait le meilleur appareil photo pour réaliser ce travail. Je me suis directement tourné vers le moyen format, capable de capturer les moindres détails avec une excellente résolution. Cela évite de devoir ressortir des documents extrêmement fragiles pour les consulter.

Je ne parlerai pas de mon choix, mais plutôt d’un constat que j’ai fait : pourquoi, en 2021, Phase One continue à proposer un capteur monochromatique, alors que les capteurs couleurs ont une qualité inégalable ? Est-ce vraiment quelque chose qui peut être utile à l’heure actuelle et si oui, pour qui ?

S’il y a encore 20 ans l’argentique était roi et personne n’aurait remis en question le choix d’un film noir et blanc, pourquoi est-ce qu’un fabricant de capteurs fait ceci ? Ce n’est pourtant pas nouveau. En effet, Leica avait lancé un premier modèle en 2012, le Leica M Monochrome. Puis, un an plus tard, Phase One lançait le iQ260 Achromatic, littéralement « sans couleur ».

Pour comprendre la différence, il faut s’intéresser au fonctionnement du capteur couleur. Des filtres de différentes couleurs sont placés devant le capteur en mosaïque et permettent de pouvoir calculer l’intensité de la lumière rouge, la lumière bleue et la lumière verte reçue par le capteur sur chaque pixel (en réalité, un pixel entier est composé de quatre sous pixels, un rouge, un bleu et deux verts). Ces filtres sont des filtres « Bayer ». Si un appareil n’a pas besoin de couleur, il devient inutile de les mesurer. Il suffit alors de calculer la luminance pour chaque pixel entier. La zone de mesure est donc virtuellement quatre fois plus grande que sur un capteur couleur. Les fichiers RAW ne contiendront que des informations noires et blanches, tous comme les négatifs de l’époque.

En 2017, Phase One a sorti son premier capteur Achromatic CMOS, avec 100 millions de pixels. Il permettait un gain de qualité notable comparé à un capteur couleur : de meilleures performances dans les hauts ISO, une meilleure résolution, une amélioration de la netteté car il n’y a plus de filtre Bayer, moins d’artefact de crénelage, un meilleur rapport signal/bruit sont des différences qui peuvent être notées. 

Évidemment, ces différences ne se voient que lorsque l’impression est très grande, ou que l’on coupe une petite partie de l’image (que l’on agrandirait beaucoup). 

Pourtant, ce capteur n’a pas toujours fait l’unanimité. En effet, certains disent que la couleur permet un meilleur contrôle sur le noir et blanc final, et par conséquent permet de mieux contrôler l’aspect en post-production. Il est en effet possible de gérer les canaux RVB indépendants, ce qui n’est pas le cas lorsque le capteur capture uniquement les différences de luminosité. Les utilisateurs devront donc idéalement utiliser des filtres de couleur lors de la capture, ou effectuer des sélections plus complexes en post-production. L’autre inconvénient majeur, c’est qu’il est bien sûr impossible de convertir une image noire et blanche en couleur, alors que l’inverse est totalement réalisable. En effet, si à l’époque il suffisait d’attendre la fin d’un film pour remettre de la couleur, le capteur numérique restera pour toujours noir et blanc. L’investissement de plusieurs dizaines de milliers de francs/euros/dollars est donc beaucoup plus contraignant.

Pour finir, ces produits étant de niche, leur prix, comparé à un capteur équivalent couleur, est largement plus élevé. Ce qui pourrait en dissuader plus d’un.

Mais alors pourquoi acheter un appareil monochromatique? 

La raison la plus évidente, c’est bien sûr le retour aux sources. On se retrouve avec le même flux de travail que l’argentique. On pense beaucoup plus à sa photo avant de déclencher. On ressort ses filtres de couleurs, on travaille sa prise de vue. Une fois celle-ci réalisée, le post traitement est beaucoup plus rapide puisque le fichier est déjà en noir et blanc. Plus de conversion, les réglages de luminosité et de contraste sont moindres, puisque majoritairement réalisés lors de la prise de vue. 

Au final, on se retrouve avec une image déjà presque finie dès que l’on déclenche la capture. 

Une autre raison est la plage dynamique. En effet, les capteurs monochromatiques ont tendance à pouvoir bien plus facilement capturer les tons infrarouges, ce qui permet une dynamique bien meilleure qu’un capteur couleur. On peut éclaircir les feuillages des arbres, assombrir les ciels bleus, tout cela avec un simple filtre de couleur devant l’objectif. Encore mieux, il est imaginable de capturer plusieurs images avec différents filtres, et les combiner par la suite en post production. Mais on en revient à : pourquoi choisir un capteur monochromatique ? 

Une autre question se pose : en jouant avec des filtres, ne pourrait-on pas recréer une image en couleurs ? Pourquoi ne pas faire comme le capteur couleur : utiliser des filtres pour mesurer la luminance de chaque élément, en jouant avec des filtres de couleurs, et en ajoutant cette dernière en post production. Et bien, en théorie, c’est possible. Malheureusement, je ne peux pas le tester puisque je n’ai pas d’appareil de ce type. 

A l’heure actuelle, nous avons tellement de choix de matériel, d’équipement, que cela peut presque parfois nous surcharger ?. Une image est belle en couleurs, mais aussi en noir et blanc. Au final, il y a mille et une façons de voir la couleur, comme le noir et blanc. Pour ceux qui suivent mon compte Instagram (majuscule) (jonathan_pas), vous savez que je publie uniquement des images en noir et blanc. Depuis quelques temps, elles sont toutes réalisées avec un appareil numérique et converties par la suite. Pourtant, je me retrouve souvent face à un dilemme : et si l’image était mieux en couleurs ? Alors certes, cela peut arriver, mais dans ce cas-là je ne la publie pas. Elle restera à jamais sur un disque dur, oubliée. Pourtant, je suis presque certain que si je l’avais prise directement en noir et blanc, j’aurais beaucoup aimé le résultat. J’ai essayé de régler mon appareil pour prendre des images noir et blanc, et pourtant, mon RAW sera toujours en couleurs. Mon esprit sera toujours trompé par ce qu’il voit avant l’inversion noir-blanc. 

Si je me libérais de cette contrainte, je limiterais mes choix. Au final, si j’ai vraiment envie d’une image en couleurs, j’ai toujours un deuxième appareil avec moi : mon smartphone. 

Si jamais Phase One ou Leica passent par là… et que vous vient l’envie de me prêter un de vos appareil monochromatique ou achromatique pour que je puisse le tester et illustrer cet article, n’hésitez pas à m’écrire, je serai le photographe le plus heureux du monde.

Références: https://ch-fr.leica-camera.com/Photographie/Leica-M/LEICA-M-MONOCHROM 
https://www.phaseone.com/fr-FR/Photography/XF-Camera-System/Camera-Configurations/XF-IQ4-150MP-Achromatic-Camera-System